Trebević, l’héritage des Jeux olympiques de Sarajevo

À Sarajevo, capitale de Bosnie-Herzégovine, le Mont Trebević, est l’une des trois montagnes entourant la ville qui ont fait la renommée de Sarajevo lors des Jeux olympiques d’hiver 1984. Trente ans et une guerre plus tard, elle devient le repère des riders fanas de sensations fortes.

Les JO 84, gloire d’ex-Yougoslavie

Tout le monde ou presque vous le dira : l’esprit olympique habite encore chaque habitant de Sarajevo, la capitale bosnienne qui a accueilli les Jeux d’hiver en 1984. Les plus anciens ont vécu cette période d’euphorie, et les plus jeunes aussi, à travers l’héritage de sa légende et de ses infrastructures, nichées là-haut, sur les montagnes.

Que deviennent les infrastructures olympiques ?

«  Sarajevo a toujours été une cité marginalisée. Belgrade et Zagreb étaient des villes bien plus importantes en ex-Yougoslavie. Et il y a eu les Jeux. Sarajevo est devenue le centre du monde ! Beaucoup d’infrastructures et de parties de la ville, tous les complexes de sport d’hiver et les stades, que nous utilisons encore aujourd’hui ont été construits pour l’occasion » Beaucoup d’infrastructures et de parties de la ville, tous les complexes de sport d’hiver et les stades, que nous utilisons encore aujourd’hui ont été construits pour l’occasion. Ces sites sont, en quelque sorte, la mémoire des meilleurs moments passés », explique Loren, un jeune habitant sarajévien.

Il y a eu les Jeux et Sarajevo est devenu le centre du monde. 

Fana de cyclisme, il fait aussi partie de la centaine de casse-cous, amateurs de sensations fortes qui dévalent les pentes du mont Trebević, l’une des trois « montagnes olympiques » avec les monts Igman-Bjelašnica et Jahorina

Trebević, une montagne Olympique 

Le mont Trebević est le plus proche de Sarajevo. Il ne faut qu’une dizaine de minutes en voiture pour l’atteindre. Là-haut dans la montagne, il sont donc une centaine à « rider » dans la forêt, équipés de casques, gants, lunettes et tout leur attirail de protection.

 

Le repère des sports extrêmes

VTT de montagne, motocross, chacun à leur manière, ils dévalent les pistes de la forêt en évitant les nombreux obstacles sur leurs parcours : tremplins, bosses, racines. Leurs vélos sont à la pointe, exclusivement conçus pour la descente de montage et coûtent donc relativement chers pour le niveau de vie en Bosnie-Herzégovine… l’un des plus pauvres pays d’Europe. Mais la passion n’a pas de prix. Grâce à leurs boulots respectifs, ils économisent pour se les acheter.

La piste de bobsleigh, un vestige célèbre

Quand on tape « VTT freeride Trebević » sur Youtube, on peut voir des centaines de vidéos réalisés par ses têtes brûlées, fanas d’adrénalines. Certaines sont réalisées en caméra embarquée depuis l’ancienne piste de bobsleigh et de luge olympique. C’est l’un des vestiges les plus célèbres des Jeux. On la découvre fortement endommagée, marquée par de multiples impacts de balles et couverte de graffitis.

 

Trebević, le poste du siège de Sarajevo

Car si le site de Trebević renvoie à la gloire passée, il a aussi été le théâtre du siège de Sarajevo * de 1992 à 1996. Détruites ou utilisées pour servir de casernes pendant le conflit inter-ethnique, la plupart des installations ont terriblement souffert et sont restées à l’abandon jusque récemment. Il y a aussi les mines encore éparpillées et signalées par des panneaux très explicites : une tête de mort blanche sur fond rouge… De quoi en effrayer plus d’un et pourtant, ils n’ont jamais été aussi nombreux sur les pentes de Trebević.

Une jeunesse sarajévienne tournée vers l’avenir

Alors inconscients ? Irrespectueux ? C’est plutôt une manière de rendre hommage si l’on en croit les riders, bien au fait de l’histoire de leur ville et des infrastructures olympiques. « Ces sites sont, en quelque sorte, la mémoire des meilleurs moment passés, plus qu’un symbole, elles possèdent, pour les  Sarajéviens, une « valeur spirituelle », explique Loren. Lui laisse les vieux conflits « aux politiciens », même si les haines véhiculées de génération en génération ont la vie dure…

Le pays se remet très lentement de la guerre

Edin, un autre rider en est certain : « J’avais 12 ans quand la guerre est arrivée et je m’en rappelle très bien. Ce fut une période difficile pour moi et ma famille, mais je pense que c’est encore plus difficile maintenant, parce que plus de vingt ans après, le pays se remet très lentement de  la guerre et ne parvient pas à rattraper le niveau des pays développés d’Europe », constate-t-il. « Les gens devraient abandonner le nationalisme et se tourner vers le travail, le développement, le progrès et l’avenir, au lieu de parler de guerre encore pendant mille ans… ».

Construction de nouvelles infrastructures

Lui et ses acolytes ont créé une équipe de VTT de descente (Downhill bike) et une association pour construire un parcours de descente de montagne et faire vivre le patrimoine du Mont Trebević : Savage Crew. Les autorités locales, impliquée dans une dynamique de restauration des anciennes installations olympiques, leur ont laissé carte blanche pour la gestion de certaines infrastructures sur le mont Trebević. De là est née la course Treb’hill en 2015, un évènement dont la prochaine édition d’août 2016, est inscrite au calendrier de l’Union cycliste internationale.

 

L’héritage de l’esprit olympique ?

« On espère qu’il y aura un véritable impact chez les plus jeunes et qu’ils deviendront plus investis dans ce type de sport », ajoute Edin. Une façon aussi d’inscrire le sport extrême dans l’héritage de l’esprit olympique ? « On peut dire ça même si, à ce jour, le VTT de descente n’est pas encore un sport olympique ! Si à l’avenir le gouvernement investit dans des installations sportives et dans d’autres infrastructures sur Trebević, notre sentier va gagner en importance. Peut-être qu’à l’avenir, nous verrons un véritable et incontournable parc pour les riders ici ? ».

En écoutant leurs témoignages, on avait vraiment le sentiment qu’ils tentaient ensemble, d’insuffler une nouvelle dynamique à leur ville, loin des guerres passées. On ne leur a d’ailleurs jamais demandé à quelle communauté ethnico-religieuse chacun appartenait. Il est pourtant obligatoire en Bosnie d’être recensé comme tel. Nous n’en avions aucune envie, aucun besoin. Nous ne voyions ici qu’une seule communauté, celle de riders sarajéviens, attachés à l’héritage glorieux et commun que symbolise Trebević.